Deux supporters du PSG et de l’OM dialoguent à l’heure du clasico, dont la préparation a été polluée par la question de la fermeture de la tribune visiteurs du Parc.
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Faire dialoguer un supporter du PSG et un de l’OM avant le clasico: l’idée a fait sourire au JDD. "Ils vont se taper dessus", a-t-on entendu. Pas de risque au téléphone, la rencontre étant matériellement impossible. A Paris, Philippe Pereira, ancien président des Gavroche devenu porte-parole de la tribune Boulogne, a des journées bien remplies au volant de son taxi. A Marseille, Christian Cataldo, responsable des Dodger’s, est facteur et souvent sur la route pour suivre l’OM, comme à Zilina cette semaine. Le premier a 38 ans, dont vingt-cinq de Parc des Princes. Le second, 45 ans, supporte son club depuis qu’il est "dans le ventre de [sa] mère". Ils auraient bien aimé se rencontrer. Ils ont parlé, c’est déjà bien.
Est-ce compliqué de parler avec un supporter du grand rival de votre club?
Philippe Pereira (PSG): Non. J’ai des amis qui supportent l’OM. Je ne critique pas un mec qui se donne à fond pour son club. J’ai passé ce cap. Plus jeune, j’avais beaucoup plus de haine pour le supporter adverse, quel qu’il soit.
Christian Cataldo (OM): Le frère de mon meilleur ami est à fond pour le PSG. Ce n’est pas une raison pour ne pas lui parler. Des gens ont déconné des deux côtés, il y a eu des violences. (Il s’arrête) Attention, on n’est pas des blanches colombes non plus! Mais je n’ai plus 20 ans, j’ai mûri. A la base, ce clasico devait faire la balance avec les grands derbys étrangers. Mais c’est devenu incontrôlable…
PP: Le passif est assez lourd. L’an dernier, le déplacement à Marseille était folklo.
CC: Vous avez débarqué à 300 à la gare Saint-Charles, sans encadrement. On vous a laissé descendre dans les rues. Là-bas, vous avez eu affaire aux gens dans leurs quartiers qui se sont défendus contre des casseurs. Pas à des groupes de supporters de l’OM.
PP: Il y en avait certainement mais, à la limite, ça fait partie du folklore… Si la France organise l’Euro 2016, elle doit être capable d’organiser correctement des PSG-OM.
La décision de fermer la tribune visiteurs n’est-elle pas du bon sens au vu des problèmes de sécurité?
PP: Il n’y a pas de problème de sécurité au Parc. Aucun stade n’a plus de caméras. Il ne peut rien se passer à l’intérieur. Le problème aujourd’hui, c’est que le PSG et l’OM portent des enjeux au-delà du sport. Sarkozy parle de sécurité, de délinquance, et met les supporters dans le lot.
CC: Tout est fait pour nous faire dérailler. Là, depuis le début de la saison, tous les supporters des adversaires du PSG sont normalement venus au Parc. Sauf les Marseillais. C’est de la discrimination. Et réciproquement, pourquoi les Parisiens n’auraient pas le droit de venir de venir au Vélodrome au retour?
PP: Être supporter marseillais ou parisien aujourd’hui est un délit de faciès.
Il y a tout de même eu un mort en février en marge du dernier PSG-OM…
PP: Plutôt que de mettre autant de moyens pour les déplacements du PSG, les pouvoirs publics feraient mieux de les consacrer à l’enquête de police pour arrêter les salauds qui ont tué Yann Lorence. Le PSG-OM n’a rien à voir avec sa mort.
CC: Apparemment tout le monde l’a compris, sauf la Ligue.
Finalement, ça va être le premier clasico sans groupes de supporters du PSG ni de l’OM…
PP: Le Parc ne sera pas forcément plein, sauf si le PSG a distribué beaucoup d’invitations… Comme il y a de nombreux supporters de l’OM en Ile-de-France, il y en aura dans tout le stade. Dans ce contexte, on devrait malheureusement assister à des dérapages. Mon gamin, je ne l’amènerais jamais voir ce match. Il était simple à organiser, mais on en a fait un match explosif.
CC: Tu as raison. C’est con d’en arriver là. La Ligue est inconsciente.
Etre autant identifié à votre club vous vaut-il des désagréments au quotidien?
PP: La tribune Boulogne a très mauvaise presse. On n’est pas des enfants de cœur, mais la réalité est très différente de ce qu’on en dit. Alors moins j’en parle, mieux je me porte. J’ai vraiment deux vies séparées. Mes voisins et mes clients ne savent rien. Je fuis les caméras.
CC: C’est différent pour moi. Je fais beaucoup d’interventions à la télé et dans la presse régionale. Les gens me connaissent et sont sympas. Dès qu’il se passe quelque chose, en bien ou en mal, on me prend un peu pour le président de l’OM ! Ce ne sont que des gentils désagréments.
Quel est votre meilleur souvenir de clasico?
CC: Celui avec le but de Boli trois jours après la victoire en Coupe d’Europe (3-1, le 29 mai 1993). Ce match-là est entré dans la légende.
PP: Je risque de choquer mais je l’ai bien aimé aussi celui-là! J’étais jeune et il y avait tout pour mettre le feu aux poudres. On va dire qu’on a eu dix minutes de gloire dans les tribunes…
CC: Il y a eu des jets de stylo-fusées.
PP: On a tout pris: des bouteilles de pastis, des enjoliveurs, des écrous… Vous étiez bien organisés! A l’époque, ce qui se passait en tribunes me marquait plus que le terrain.
Quelle vision avez-vous des tribunes adverses?
CC: Je suis désolé quand je vois le Parc à moitié vide. Il n’y a plus l’ambiance d’avant avec Auteuil et Boulogne: c’est moche pour un grand club et une ville comme Paris.
PP: C’est différent à Marseille où la gestion des abonnements est confiée aux associations de supporters. Mais leur vrai avantage, c’est qu’ils ont toujours eu un moyen de pression sur leur président. Sauf sur Tapie, qui avait un discours plus sincère. Aujourd’hui, Jean-Claude Dassier a peur d’eux. Ils le tiennent par les couilles et peuvent lui faire dire ce qu’ils veulent! Ce n’est pas le cas pour nous avec Robin Leproux.
CC: Hormis Tapie, qui est hors catégorie, et Pape Diouf, tous les présidents ont voulu nous couper la tête. Ils se sont cassé les dents. Dassier, on apprend à le connaître. Il est malin.
PP: A Paris, Leproux n’est pas un bon président, seulement un bon communicant. Je pense honnêtement qu’il fallait faire quelque chose pour pacifier les tribunes du Parc mais il y avait d’autres solutions que son plan de sécurité. Je ne me reconnais plus dans le club. Le début de saison correct de l’équipe me fait plaisir mais je vois ça avec beaucoup de recul. Je suis arrivé à un stade où une défaite m’indiffère presque.
Où serez-vous ce soir?
PP: Evidemment pas au stade. Mais je ne sais pas si je vais regarder le match. Je vais peut-être travailler!
CC: Peut-être au Parc! Il y a encore une chance, selon la décision du tribunal administratif de Marseille (qui doit examiner ce matin le référé déposé contre l’arrêté préfectoral fermant la tribune visiteurs du Parc). Sinon, je regarderai le match dans le local des Dodger’s à Marseille.
source : J.D.D.